Didier Deschamps : « Du bonheur de se retrouver ! »
A un mois de l’événement, entretien avec l’ancien capitaine de l’Equipe de France, aujourd’hui entraîneur de l’OM, à l’origine de ce match solidaire pour les sinistrés de la tempête Xynthia, et toujours attaché à ses racines footballistiques nantaises et plus largement sur la côte atlantique.
Pouvez-vous nous rappeler comment la décision d’organiser ce match solidaire a-t-elle été prise (photos LAF réalisées cette semaine à Sarzeau) ?
Didier Deschamps : « Nous étions avec France 98 en Algérie lorsque ces évènements tragiques se sont déroulés. Que ce soit Lolo Blanc ou Zizou, tout le monde a suivi l’idée d’organiser un match, de préférence à la Beaujoire. Si c’est moi qui l’ai annoncé, c’était plus une opportunité, pour que ce soit fait le plus rapidement possible. Ce n’était pas pour me mettre en avant. Ensuite, le souci était de trouver une date pour que nous puissions tous nous retrouver ensemble. Le mois d’août était le plus simple. Nous avons donc donné le feu vert pour que les démarches soient faites auprès de la ville de Nantes, du FC Nantes et de la Ligue Atlantique. Après, quand Zinédine Zidane annonce qu'il vient, ça devient plus facile… »
Comment imaginez-vous cette journée du dimanche 8 août prochain ?
Didier Deschamps : « Le stade devrait être plein. J’ai encore eu Henri Emile (secrétaire général de France 98) au téléphone il y a deux jours, et il m’a confirmé que 29 000 places avaient été vendues. C’est toujours notre inquiétude et ça fait vraiment plaisir de savoir que le stade de la Beaujoire sera sans doute à guichets fermés. Pour nous, joueurs, c’est un bonheur de se retrouver, même si ce jour-là, on viendra en aide à des gens qui ont beaucoup perdu. C’est certain qu’on préfèrerait organiser des matchs pour des occasions plus joyeuses, mais on se dit aussi que les gens au stade ne seront pas là pour pleurer. C’était le même cas de figure à Toulouse, après l’explosion d’AZF. On a d’ailleurs décidé de reverser un tiers des bénéfices du 8 août à ceux qui ont tout perdu dans le Var. »
Personnellement, vous avez finalement failli manquer ce rendez-vous à la Beaujoire…
Didier Deschamps : « Oui, en effet. Canal + avait dans un premier temps choisi comme affiche du dimanche soir le champion en titre (OM-Caen), mais avec leur bonne volonté -je remercie d’ailleurs encore Cyril Linette-, c’est finalement le match Bordeaux-Montpellier qui a été décalé. J’arriverai donc le dimanche midi à Nantes : ça me tenait vraiment à cœur d’être présent. Si Marcel Desailly a grandi à Nantes à partir de 4 ans, je n’y ai passé que 5 saisons, mais j’ai toujours gardé de grands souvenirs de mon passage en Ligue Atlantique. »
Même après tout ce que vous avez vécu, vous conservez cet amour du maillot nantais ?
Didier Deschamps : « Je serai toujours reconnaissant envers les personnes qui m’ont formé à l’époque, de Raynald Denoueix au centre de formation à Jean-Claude Suaudeau avec les pros en passant par Guelso Zaetta. J’ai acquis ici mes bases footballistiques. C’est difficile de transposer ce que j’ai appris à l’époque mais ces années-là m’ont marqué. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser à la tactique et au jeu, je n’oublie pas. Si j’ai l’occasion de croiser des anciens joueurs comme Loïc Amisse ou Vincent Bracigliano, ou si un « Bud » venait à passer par là, ce serait sympa de tous les revoir. »
Quels souvenirs gardez-vous justement de toutes ces années là ?
Didier Deschamps : « Le plus désagréable, c’est mon premier jour à la Jonelière. La preuve, je m’en souviens encore. J’avais décidé de venir à Nantes, à 550 km de chez moi et mes parents ne rigolaient pas quand ils m’ont laissé derrière la grille ce jour-là. Ensuite, il a fallu faire sa place au centre de formation, ce n’était pas simple. Mais j’ai réussi à retourner la situation. Mes meilleurs souvenirs datent de nos aventures en Coupe Gambardella à l’époque, avec Marcel Desailly, avec qui j’ai sans doute plus partagé ma chambre qu’avec ma propre femme ! On était tout le temps ensemble... »
A l’époque, vous croisez également deux personnes aujourd’hui importantes de la Ligue Atlantique : Michel Tronson son président, et Franck Maufay, le responsable du Pôle Espoirs Fédéral de Saint-Sébastien sur Loire...
Didier Deschamps : « Ah Michel… A l’époque, il dirigeait l’équipe en 4e division. Je n’y suis pas resté longtemps, parce que je suis passé des Cadets Nationaux aux professionnels assez rapidement, mais il était aussi responsable de toute notre scolarité. On avait 12 heures de cours par semaine à l’époque et il s’occupait vraiment bien de nous. Je lui posais plein de questions, j’ai toujours gardé le contact avec lui. Quant à Franck, on est arrivé ensemble à la Jonelière, on a partagé notre première chambre. C’était un buteur, un bon attaquant. Et je me souviens que je n’hésitais pas à le pousser en match, parce que le terrain, c’est le terrain ! »
Justement, le 8 août, il y aura un match à jouer, face à des adversaires comme Edgard Davids, Fernando Couto ou Marco Simone…
Didier Deschamps : « On ne sera pas là pour la compétition, mais je suis sûr qu’une fois sur le terrain, on se mettra dans l’obligation de faire du spectacle et de ne pas perdre ce match. Il faut que les gens repartent contents de ce qu’ils ont vu. Pour ça, je sais que certains joueurs s’entraînent plus ou moins. Pour ma part, je m’entretiens toujours, peut-être un peu plus pour cette occasion. Pour les 10 ans du titre de champion du monde au Stade de France, on avait été plusieurs à souffrir physiquement. Là, ce sera les 10 ans de l'Euro 2000... »
Beaucoup voient aussi dans ce match une sorte de jubilé à Nantes, pour vous, mais aussi Marcel Desailly, Christian Karembeu ou encore Claude Makelele…
Didier Deschamps : « Ce n’est pas trop mon truc. D’ailleurs, je n’en ai pas organisé à la fin de ma carrière. Je n’aime pas trop être au centre des attentions. Le 8 août, ça me fera surtout plaisir de revenir au stade de la Beaujoire. En tant que joueur, je me souviens surtout de mon retour en demi-finale de la Ligue des Champions, en 1997, avec la Juventus de Turin. Ou encore plus tard sur le banc avec Monaco. Je reverrai pas mal de têtes de l’époque avec plaisir. Pour les supporters nantais, ce sera sans doute aussi une journée importante. »
Média LAF
Le vendredi 09 juillet 2010 - 10h35